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TAFTA  Quésaco ?

TAFTA Quésaco ?

21-06-2016 à 23:27:22


Un traité, le TAFTA, est en cours de négociations entre Europe et USA. Il suscite beaucoup de critiques. On parle beaucoup du risque d’importation d’OGM. Il y a là probablement plus d’émotions que de problèmes pour la santé (voir Actuailes n° 53). D’autres raisons, bien plus graves, suscitent méfiance, voire opposition à cet accord. Lesquelles ?

 

Qu’est-ce que le TAFTA ?

Ce sont les initiales anglaises du « Traité de libre échange transatlantique ». Or, l’Europe, en 2014, a signé un traité avec le Canada, le CETA, qui va être soumis aux États européens fin 2016. Un autre, dénommé ALENA, existe entre USA, Mexique et Canada. Or, dans tous, on retrouve les mêmes dispositions. Lesquelles ?

Réduction des taxes douanières

La théorie libéraleUne taxe douanière sert à alimenter le budget des États, mais surtout à protéger ses producteurs. Par exemple, si un supermarché importe du riz américain, il paiera une taxe. Le consommateur achètera donc ce riz au prix majoré de cette taxe. La Camargue vend juste en dessous de ce prix taxé et le consommateur français paie donc son riz camarguais plus cher qu’en l’absence de taxe, mais cela assure l’emploi en France.

Le TAFTA veut réduire les taxes douanières, au risque de faire disparaître le riz de Camargue face à la concurrence. L’argument théorique veut qu’alors le planteur de Camargue produira plus d’abricots. Tout le monde gagnerait en « bien être », y compris le consommateur. En réalité, les choses sont plus complexes. Pourquoi ?

Quid de la mobilité des travailleurs d’un marché à l’autre ?Joseph Stiglitz, prix Nobel d’Économie, explique que la théorie libérale « postule le plein emploi ». Or, une recherche universitaire a suggéré, dit-il, « que la libéralisation des échanges peut avoir des effets positifs sur des pays à taux de chômage faible, mais des effets négatifs sur des pays à taux de chômage élevé ». Autrement dit, le TAFTA risque d’avoir des effets négatifs en Europe dont le chômage endémique, à 9,6 %, est le double de celui des USA.

Quid du calcul monétaire des futures taxes douanières ?Pour le TAFTA, les États calculeront les taxes douanières en dollars. Si les USA font baisser ensuite la valeur du dollar, tous les niveaux de protection s’effondreront. L’Europe dépendra donc de la politique budgétaire américaine.Faudrait-il alors unifier l’euro et le dollar, solution revenant à abandonner le droit d’une communauté à gérer sa propre monnaie ? Une telle approche nuirait aux économies les plus faibles.

 

Harmonisation des normes

Le TAFTA, pour faciliter le commerce, propo-sera d’unifier les normes en vigueur. On parle beaucoup de « développement durable », dont le concept est mal défini, et les normes scientifiquement trop souvent infondées. En revanche, le sujet est grave dans d’autres domaines :– Les normes de confidentialité dans le secteur des communications : Google et Microsoft y seront-ils contraints ?– Les règles concernant les brevets : la durée de protection conditionne la rentabilité des investissements de recherche.– Les normes culturelles : les États pourront-ils interdire l’exportation de leurs patrimoines artistiques ?– Les normes sociales : le TAFTA interdira-t-il le travail des enfants dans les entreprises comme le veut une convention internationale de 1930 non signée par les USA ?

Ces normes s’imposeront peu à peu au monde entier, car le TAFTA représentera 45 % de la production mondiale. Or, la normalisation est un outil essentiel pour la politique industrielle et agricole de chaque région. À titre d’exemple, l’autorisation des hormones dans l’élevage bovin peut laisser croire, à tort, qu’il s’agit d’une norme sanitaire (voir Actuailes n° 54). En réalité, l’enjeu est la survie de nos élevages en moyenne montagne qui seraient menacés par la production de bovins élevés dans des étables de plus de mille vaches. Or, l’élevage traditionnel est vital pour que ces régions ne deviennent des friches. Non entretenues, elles pourraient être facilement la proie d’incendies graves comme en Haute-Provence où il n’y a plus d’agriculture.

L’accès aux marchés publics

L’Europe demande que les marchés publics américains soient ouverts à la concurrence et accessibles aux entreprises européennes.

Règles en cas de conflits juridiques

L’objectif est de permettre à une entreprise d’attaquer un État devant un tribunal dépendant de la Banque mondiale.Or, la justice, comme la monnaie, est un droit régalien des états. On connaît l’image de saint Louis, roi de France, rendant la justice sous son chêne au pied des tours du château de Vincennes, jugeant, par exemple, un litige entre un meunier et un boulanger. Avec le TAFTA, imaginerait-on, un saint Louis attaqué par un meunier sous les tours de la Banque mondiale à Washington pour qu’il change les lois sur la boulangerie ?

Conclusion

Il ne faut pas croire que le TAFTA ne concerne que l’Europe et les USA. Le traité risque de se répercuter sur les droits de douane appliqués aux importations de l’UE, en provenance des pays moins développés d’Afrique, des Caraïbes ou du Pacifique (ACP). Or, on sait qu’à la suite d’une plainte de l’Organisation mondiale du commerce, de grands pays producteurs de bananes ont imposé à l’Europe des accords moins préférentiels avec les pays ACP.Avec la négociation TAFTA, on a le sentiment de voir l’égoïsme du Nord bien peu se préoccuper des échanges avec les pays les plus pauvres.

 

Pour aller plus loin, cliquer ici ou sur http://jeunes30.les2ailes.com


Mots compliqués

Endémique : Mot venant du grec endêmía (« séjour »). En médecine, on parle d’une maladie qui « séjourne » habituellement dans une région donnée, comme le paludisme en Afrique par exemple. Par extension, on parlera d’un chômage « endémique », parce qu’on a des difficultés à éliminer cette forme de maladie économique.

Régalien : Du latin regalia (« choses, domaine du roi »). Dans nos démocraties, ce qui appartenait au roi, appartient maintenant aux États. Ce qu’on appelle les « pouvoirs régaliens » de l’État sont la police et la justice (sécurité intérieure), l’armée (sécurité extérieure) et la monnaie.

 

 

Actuailes n° 55 – 22 juin 2016


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